mardi, février 13

térébenthine



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La vieille Matou, voilà comment comment les gens du village l'appellaient. Personne ne connaissait son vrai nom.
Les rares apparitions que la vieille faisait à la lumière du jour étaient à quatorze heures précises, pour nourir les chats. Elle les recueillait tous: ceux de gouttière, les chats errants et parfois même ceux d'appartement, d'où son surnom.
Les villageois la redoutaient et la qualifiaient d'acariâtre.
De tout ceci bien sûr, Octavine, la fille des nouveaux voisins n'en eut pas vent. C'est ainsi qu'un jour chattoyant en vendant des biscuits au beurre pour sa compagnie des castors et avec le désir de s'intégrer au plus vite, la jeune fille blonde comme la brise du printemps s'avanca dans l'allée. Elle évita le regard d'un chat noir accoudé aux marches, rassembla ses esprits et une pointe de courage et toqua, faute de sonette.

C'est la vieille qui ouvrit, ce qui eut étonné tout le village.
Octavine n'avait jamais vu de cheveux si blancs (et la vieille de cheveux si blonds) et longs de surcroît. En général, se dit-elle, les cheveux des vieux sont grix, mais ceux-ci avaient la resplendissante couleur du manteau douillet de neige de l'hiver. Du haut de ses onze ans et quelques et ses cheveux ne lui ayant jamais paru si ternes, Octavine décrocha son plus beau sourire à Mme. Matou.

"Je vais vous chercher les trois sous dans le boudoir, entrez ma demoiselle".
Octavine s'exécuta. Tout dans cette ancienne demeure de douanier semblait s'être éteind après le coucher dernier du soleil et après qu'un épais nuage de poussière ait trouvé place dans l'air émeraude de ses pièces. Les rideaux étaient clôs.
Un chat roux (tiens un autre!) alla se glisser derrière l'épaisse tenture qu'Octavine ouvrit pour le libérer.

Quand la vieille revint, son sang ne fit qu'un tour, elle dut même s'asseoir.
Quinze ans qu'elle n'avait plus vu autant de lumière flotter entre les murs écorchés de sa maison. Le charme des porcelaines et des antiquités apparut soudain à la fillette qui s'en émerveilla. Toutes deux se sentaient bien en précense de l'autre.

C'est ainsi qu'au fil des années, leur amitié se solidifia, rendant l'atmosphère de la ruelle bien plus agréable depuis que la vieille avait recouvré le sourire.
Antoinette avait tout confié à Octavine, ses amours, son tendre Arthur, ses années au music-hall, le piano qui chantonnait du jazz, ses escapades, les prés fleuris du printemps, la pluie d'été, la cruauté de l'hiver, la valse de l'automne, le bouillon de sa mère, le jardin aux allées parfaites de son père, les mains de Jacques,... tout sauf ça. Le cancer d'Antoinette s'était généralisé sans que personne ne le sache.

Un matin comme un autre, la jeune complice se rendit au lieu-dit et y trouva une lettre, la première de dix mais ça elle n'aurait su le savoir, qui lui expliqua son absence qu'elle espérait au début momentanée.

Chaque jour pendant onze jours, car la poste ne tournait pas le dimanche, Octavine trouva une lettre que le bien brave facteur avait soigneusement posée sur la table.
Le 8 mai 1967 (pure ironie du sort), Octavine décacheta la dernière lettre, les derniers mots de Matou sans une rature:
" Ma belle Octavine,
Demain sonnera ma fin, je le sais et je m'en porte bien et ce grâce à toi, ma petite.
Tu m'as réappris à vivre à un moment de mon existence où d'autres partaient rejoindre ce gros monsieur là-haut (s'il m'entendait!).
Un jour, de manière inattendue, la plus jolie petite blonde qu'il m'ait été donné de voir, drappée de blanc, frappa à ma porte, ouvrit les tentures et fit basculer ma vie.
Ne m'en veux pas de ne t'avoir rien dit et de te laisser comme ça. Oui, je l'ai toujours su et pour des raisons qui me sont propres (et que la raison ignore surement) et que tu peux donc comprendre, je ne t'ai rien dit.
Sache que mon seul regret aujourd'hui est de délaisser une âme en peine et ce par ma faute. Mais je t'en prie, ne sois pas triste, ça évitera une tare à mon lourd corps pour mon ascension.
Mais je vivrai toujours à travers ton sourire, ma petite Octavine, sois en sûre.
Je m'en vais rejoindre Arthur.
Je t'aime_

ta dévouée Antoinette."

9 Comments:

Blogger * said...

très belle histoire. je ne sais pas quel genre de musique tu écoutes, saches que si tu t'intéresse à la pop et au rock, le blog www.elviswouldapprove.blogspot.com est plein de petites infos exclusives et croustillantes qui viennent directement de chez Universal où je trvaille !!!

a très vite, et si tu as d'autres histoires comme celle-ci, n'hesite pas !

J

13/2/07 06:01  
Anonymous Anonyme said...

Là je sais pas trop quoi dire ou plutôt comment le dire, c’est tout simplement magnifique, c’est un de mes préférer d’ailleurs. Je n'avait pas lu le texte quand je t'ai parlé, je voulais le lire avant de m'endormir et j'ai bien fait, en lisant, j'ai eu des frissons et tu m'a également fait sourire. J’étais tout simplement bien et je voulais que cette histoire aille duré plus longtemps, j’avais envie de lire les neuf autres lettres, j’avais juste envie de lire tes mots qui ne sont pas simplement mis l’un à coté de l’autre mais qui me font voyagé dans un univers tellement beau. Il y a beaucoup de sentiments qui me sont venu en lisant ce texte. C’est vraiment une très belle histoire. Ce qui m’a également plu, c’est que j’ai pas du trop me forcer pour comprendre. En écrivant ça, ça me fait penser à monsieur Hamers qui dit toujours que le public ne doit pas se forcer et également qu’il est très exigeant. C’est sur que rien est parfait et qu’il y a sûrement des choses un peu moins bien dans ton texte mais je n’ai pas envie d’y réfléchir, je veux rester sur ce moment de bonheur que cela m’a procuré.
Merci
Ps: Et ben, tu deviens de plus en plus connue ! (même un gars de chez Universal connais tes textes) :)

14/2/07 02:56  
Anonymous Anonyme said...

Je te conseille de faire le concours de la francité, l'année dernière je l'ai fait et j'ai optenu la deuxième place et de trés trés trés beaux cadeaux avec un texte qui n'arrivait qu'aux genoux des tiens alors voilà je te le conseille tu fais comme tu veux! Sinon bonne continuation ;)

15/2/07 07:08  
Blogger violette pleurnicharde said...

ma chérie je n'arrive plus depuis deux semaines à aller sur ton blog
je ne sais pas si tu l'as supprimé ou pas

merci pour le conseil
et moi j'aime beaucoup tes textes

16/2/07 04:00  
Anonymous Anonyme said...

Ooh cette petite histoire est trite! ^^"
J'ai beaucoup aimé la lire! <3

Tu peux passer sur mon blog (lien ci-dessous mdr) ou sur mon site (lien sur mon nom ^^) comme tu veux...

http://regard-monde.skyblog.com

20/2/07 23:40  
Anonymous Anonyme said...

A chaque fois que je pousse la porte de ta brocante, je prends un malin plaisir à y lire tes textes .. En somme, à te regarder dans le blanc des yeux .. Mais les mots me manquent toujours ..

J'te poste tout d'même une p'tite fleur. :]

p.s| et Octavine, quel prénom .. :]

21/2/07 00:54  
Anonymous Anonyme said...

Sayuri est chassée d'Ibiscuit par une maintenance à la noix, elle part donc sur Queen-of-whales.
J'espère que tu vas bien ma Liçou <3

23/2/07 03:56  
Anonymous Anonyme said...

Voilà 11 jours que tu as posté cet article ... ou devrais-je dire cette histoire ?

Alors cela fait 11 jours que je passe, et que je tombe à chaque fois sur la même image, m'indiquant que tu n'as rien publié de nouveau depuis . Cela fait 11 jours, que jour pour jour, j'ouvre cette page et la referme aussitôt, sans lire ce dernier article que je ne connais pas encore .

Pourquoi ne pas le lire ? Car sans cesse, puisque l'ordi est à côté de la cuisine et du salon, on me parle . Je n'écoute pas tout le temps, mais je réponds à chaque fois . Manifestant un espèce d'intérêt, en hochant de la tête ou en dessinant un sourire sur mes lèvres .
Or, pour tes articles, je n'aime pas être interrompue quand je les lis .
Aujourd'hui, la maison est silençieuse, encore endormie . Elle se réveillera dans pas longtemps, quand les parents rentreront . Alors j'en ai profité, et j'ai lu ...

J'ai eu raison de ne pas lire avant, dans le brouhaha . J'ai eu raison de ne pas lire avant, ça aurait tout gâché .

23/2/07 23:10  
Anonymous Anonyme said...

Evidemment c'est beau..
Je me pose une question, ces "images" que tu mets pour accompagner tes textes, c'est toi qui les faits aussi ?
Et si oui, je me demande comment ?

17/3/07 22:31  

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