samedi, janvier 27

assemblage (peu?) cartésien




Nuit au masculin
Ca y est! Elle allait le dire, ce mot unique qu'elle prononce chaque soir après avoir fouillé consciencieusement dans les dédales de sa matière grise. Car oui, chaque soir elle lance un mot dans l'atmosphère brumeuse, qu'elle a cherché parfois même toute la journée. Elle balance son mot d'un air désintéressé pour gagner en crédibilité chaque soir avant de s'endormir. Elle prétend que si le lendemain matin on la (re)trouve morte, son dernier mot n'aura pas été la dernière des imbécilités ou formule de politesse banale, mais le plus beau des mots, celui qui aura été déniché avec dévotion.
"Absynthe...", dit-elle.
Nous riions d'un rire franc, cinq bonnes minutes encore. Aucun de nous ne rajouta mot afin de ne briser ce pacte silencieux.
Ce soir son dernier mot fut: absynthe et c'est une des raisons pour lesquelles je l'aime.
Matinée au féminin
Quand j'ai ouvert l'oeil, il dormait comme un loir, ses cheveux chatouillaient mon ventre car il s'endormait toujours entre mes bras et mes gambettes repliés sur lui. Il me tire l'édredon, alors j'ai froid mais je ne proteste pas car cela me fait sortir du lit plus vite. J'ai admiré les draps froissés puis ai passé un doigt entre les stries poussiéreuses du volet à peinture bleu marine écarquillée.
Absynthe, quelle absurdité! Heureusement que mon trépas n'avait pas eu lieu ce soir là.
Je sortis du papier et un fusin, la matière que j'avais élue comme ma prédilection. Il reposait de la même manière que la nuit précédente, à peine recouvert par l'édredon, à semi-dénudé.
Il était beau, beau comme les rayons de soleil transpercent l'eau. Je m'empregnais de cette beauté jusqu'à m'en noircir les doigts comme quand après avoir étalé la mauvaise encre d'un bouquin après lecture.
Il se réveilla, les cheveux ébouriffés et son portrait dans les bras.
Il sourit, heureux, comblé par un instant de bonheur que pourtant il n'avait pas vécu.

photo: Ellen von Unwerth