vingt fois
Mon amour,
je n'ai jamais cru à l'oubli. Tu le sais, on se souvient, nos corps se
souviennent. On se souvient tous.
Il ne viendra pas m'accaparer, non. Jamais.
Je n'oublierai rien de nous, pas même les miettes, ni les derniers relans
de pluie, les derniers regards ou le dernier au revoir qui par comble fut
sur un quai de gare.
J'en suis incapable.
Les allers, les retours et les aller-retours.
Rien, tu en conviendras, ne nous éloignera. Pas même cette vitre gelée du
train. Tu touchais ma main, moi la tienne, nos paumes s'entremelaient sur une
surface impalpable uniquement brisée dans sa monotomie par les gouttes de pluie.
Nos peaux s'écrasaient, nos mots, nos maux aussi. Sous la frénésie de nos désirs
enfuis sous le satin des embrasades ou sous l'or de nos souvenirs.
Alliance de deux atypiques sous un type onirique.
Le train partait tandis que l'eau effacait vos dernières traces sur les
rails. La chaleur d'un frottement, d'une force incalculable, d'une attirance sur
un métal résistant même aux acalmies.
Ecrire, dit-on, permet de dire les choses trop simples au discours.
On couche sur papier ces pensées avec lesquelles on aimerait éveiller
l'autre. On noircit sur une page, le blanc du soleil au réveil. On imprime sur
des odeurs d'encre la déprime d'une plume qui flanche à tout va. On impreigne
d'une mélancolie exacerbée les gens dont elle n'entre pas en la
possession.
Moi, contrairement à toutça, j'écris pour te dire la chose la plus
inexplicable au monde, celle qui fait s'effacer les égos en la présence, celle
qui fait pleurer les amants.
Peut-être est-elle simple ? Après-tout, je n'y connais rien. Je te connnais
toi et ça ne s'oublie pas.
Si j'ai des sentiments plus fort que la raison, celle-ci me met des barrières quant à
l'écrire.
Je te transmettrai cela comme ça, à deux on connaitre le monde et on pourra
refaire le nôtre au sens universel.
Je t'aime, je t'aime, vingt fois je t'aime et rien n'est plus évident.
(..)
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